voila un article qui me met hors de moi ce matin. C'est honteux, les mensonges sont omniprésent. Il suffit de s'intéresser un peu au dossier pour comprendre.
Depuis plusieurs mois, les prix des carburants ne cessent de faire polémique. Plusieurs voix se sont élevées contre le système des prix administrés en place à la Réunion. Jean-Hugues Ratenon, président de l’ARCP, a même lancé un appel au boycott des stations du groupe Total. Et ce ne sont pas les tendances annoncées à la hausse pour le mois de novembre qui risquent de calmer les consommateurs réunionnais.
Arrivé il y a un mois à la Réunion, Eric Le Blevec, 53 ans, est le nouveau directeur général de Total Réunion. Eric Le Blevec connaît bien les contraintes de l’approvisionnement en carburants sur une île comme la Réunion puisqu’il a été directeur général de Total Pacifique en Nouvelle-Calédonie pendant 4 ans et qu’il a travaillé aux Antilles auparavant. Pour lui, les prix pratiqués à la Réunion "sont tout à fait compétitifs".
Après une série de hausses successives, les importateurs sont montrés du doigt. Que répondez-vous aux associations de consommateurs ?
Les prix administrés ne sont pas un choix des opérateurs pétroliers. Ils sont le fruit de trois missions : une de la haute Autorité de la Concurrence, une de la Direction générale des Finances et une des parlementaires. La préfecture a mis en place une grille de calcul où chaque poste est clairement défini. Le calcul mensuel se fait sans nous consulter. Aucun autre produit n’est aussi contrôlé que le carburant. Il n’existe pas de formule parfaite, mais la formule actuelle est celle qui colle le mieux à la réalité du marché.
On vous accuse de cacher le prix d’achat réel à Singapour...
Le prix FOB (« free on board », autrement dit hors assurance et fret, ndlr) que nous obtenons est très proche du prix CAF (prix coût-assurance-fret inclus, ndlr) qui est annoncé à l’arrivée du bateau à la Réunion. En octobre, il était de 0,61 euro pour le litre de sans-plomb et de 0,60 euro pour le gazole. On a pu entendre qu’on achetait du carburant à 0,25 euro le litre : c’est faux ! C’est tout à fait impossible d’acheter à un tel prix. Nous importons un type de carburant spécifique déjà raffiné et produit en petites quantités. C’est un produit qui dispose d’une cotation plus chère que celle du baril de brut (environ 130 dollars le baril de gazole en juillet contre 97 dollars le baril de brut, ndlr). Ceux qui calculent le prix d’achat par rapport au cours du brut se trompent de cotation.
Quel est le prix d’achat du carburant à Singapour alors ?
Par rapport au prix CAF, nous avons une différence de 1 à 3 centime(s) maximum. La Réunion consomme 750 000 tonnes de carburants par an, c’est un petit marché. Nous (Total Réunion, Libya Oil Réunion, SRPP et Engen Réunion, ndlr) groupons nos commandes pour avoir plus de poids. Il faut savoir que sur le marché pétrolier, nous sommes de très petits clients (moins de 0,1% de part de marché). Il arrive aussi que nous achetions le carburant plus cher que le prix CAF calculé par la préfecture chaque mois. Aucune spéculation n’est possible en tout cas. Mais les prix pratiqués à la Réunion sont tout à fait compétitifs.
Pourquoi ne pas s’approvisionner ailleurs qu’à Singapour ?
Nous devons importer des carburants qui remplissent tous les critères exigés par l’Union européenne. Il doit contenir un taux de soufre inférieur à 10 ppm et un taux de benzen inférieur à 1%. Les certificats de qualité sont délivrés par nos fournisseurs et la SRPP organise ponctuellement des contrôles. Géographiquement, Singapour est le marché le plus proche et on y trouve des carburants qui répondent aux spécifications européennes. Madagascar et Maurice importent des carburants de qualité différente et pas forcément moins chers. L’Australie n’exporte plus, son pétrole suffisant à peine à couvrir ses besoins domestiques.
Que pensez-vous de l’arrivée possible d’un nouvel importateur ?
La concurrence est libre. Mais le marché réunionnais étant ce qu’il est, il ne peut pas y avoir multiplicité d’opérateurs vu la taille de l’île. Cela dit, rien ne s’oppose à l’arrivée d’un nouveau venu, si les mêmes règles sont respectées par tous. Je ne suis pas certain que des prix libres seraient forcément meilleurs pour les consommateurs.
Quelles seraient les pistes pour baisser les prix ?
Nous avons en réalité une marge très étroite sur le prix même des carburants : nous pourrions acheter des produits moins chers mais ne correspondant pas aux normes européennes. A côté de cela, il faut bien se rendre compte que la fiscalité à elle seule représente 47% du prix du sans-plomb et 32% du prix du gazole. La fiscalité double les prix de départ : c’est un choix purement politique. Les importateurs réfléchissent aussi à d’autres pistes comme de nouveaux investissements pour optimiser la chaîne d’approvisionnement. La construction d’un nouveau pipe (tuyau, ndlr) entre le nouveau quai de déchargement et le dépôt et l’agrandissement de la zone de stockage permettrait de faire venir des pétroliers plus grands (60 000 tonnes contre 45 000 tonnes aujourd’hui). On pourrait donc diminuer les coûts de transport. Mais à mon sens, une adaptation du comportement des consommateurs est nécessaire : le carburant le moins cher est celui que l’on ne consomme pas. Il faut moins utiliser la voiture. Seul un réseau de transport en commun performant pourrait peut-être convertir les habitudes.
A quand un carburant à deux euros le litre ?
Il est très difficile de répondre à cette question car nous ne maîtrisons pas le prix du pétrole. Mais un tel tarif pourrait être envisageable dans les mois à venir, surtout si la parité euro-dollar devient vraiment négative. Si l’économie se ralentit encore en Europe, ce qui serait une catastrophe, la demande de carburants va baisser et le marché va se détendre. Si la croissance repart, ce qu’il faut espérer pour l’Union européenne, les prix vont inévitablement grimper... Une chose est sûre : il faut se préparer dès maintenant à l’après-pétrole.
Propos recueillis par E.M