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Les « pousseurs » demandent une route
Clicanoo.republié le 22 octobre 2011 06h01
La piste du circuit de Sainte-Anne est jugée trop « petite » par les jeunes (Photo d’archives).
Une jeune association lance le débat. Ses membres militent pour la mise à disposition d’une route peu fréquentée le week-end pour organiser des courses ouvertes à tous et encadrées, sur fond de prévention routière. Le seul moyen efficace selon eux pour limiter les pousses sauvages. Une pétition commence à circuler...
La Région : «Techniquement réalisable» Les circuits sont trop «petits»
« On ferme bien des routes pour les vélos ou les rollers, pourquoi pas pour les voitures », questionne Dimitri Maillot, jeune président de l’association Atomic Design Car (ADK), pompier volontaire de son état. En parallèle à une activité de conseil et de préparation de voitures, l’association veut s’engager dans la prévention routière. Elle prépare un bolide - une Subaru GT STI RA de 285 ch - qu’elle destine notamment à des démonstrations. Un sérieux accident de voiture il y a deux ans a donné à réfléchir à Dimitri. S’il ne se présente pas comme un pousseur, il reste un passionné de course automobile. Il milite pour la mise à disposition d’une « vraie » route pour lutter contre les « pousses sauvages ». L’annonce récente du circuit Félix Guichard d’ouvrir prochainement sa piste une fois par mois gratuitement aux « pousseurs » (nos éditions précédentes) est jugée comme une « très bonne chose, mais je reste bloqué sur la grandeur. Il faudrait au moins un kilomètre de linéaire pour leur donner envie ». La piste du circuit bénédictin affiche 400 mètres. Trop peu selon Dimitri.
C’est donc sur la route que certains ont décidé de lâcher leurs chevaux. Et les « pousses » ne manqueraient pas au rythme d’au moins « une vraie pousse chaque semaine ». S’il est difficile de chiffrer le phénomène, il évoque des rassemblements pouvant atteindre jusqu’à une cinquantaine de voitures. Les décès et accidents graves jalonnent l’actualité de ces dernières années... Plutôt normal quand certaines voitures afficheraient jusqu’à 900 ch ! « Il y a quelques semaines, un gars a atteint 280 km dans l’Est », affirme un membre de l’association. La mise à disposition d’un tronçon reste la meilleure solution à ses yeux.
« Les fêlés sont minoritaires »
« Des routes où il n’y a quasi personne le week-end ça existe. Du côté de la zone portuaire, on peut facilement créer plusieurs kilomètres de circuit, le tout de façon encadrée et sécurisée ». Dimitri en est persuadé : « Mis à part certains fêlés qui cherchent le risque et ils sont minoritaires, beaucoup préféreront préserver leur voiture et rouler en sécurité. On peut même imaginer une sorte de championnat. Plutôt que de ne rien faire, faisons un essai. Et même s’ils ne sont que quelques-uns, ça fera toujours ça de moins sur les routes ». Il souhaite associer des actions de prévention routière et des animations à la manifestation. Reste la question majeure : qui pour prendre à sa charge une telle organisation ? Une organisation lourde aussi bien réglementairement (autorisations, assurance...) que techniquement (accueil du public, encadrement, sécurité...). Et il y a la responsabilité en cas d’accident...
On imagine mal une collectivité assumer ce rôle. La charge reviendrait donc à un privé ou une association. Des contraintes que l’association se dit prête à surmonter pour peu qu’elle soit accompagnée. « Et plusieurs associations de tuning, sont prêtes à nous suivre bénévolement. Dans ce milieu tout le monde se connaît ». ADK a déjà approché des élus et souhaite rencontrer le Département et la Région, gestionnaires des routes. Elle a rendez-vous la semaine prochaine à la mairie du Port. Rencontré par l’association, le maire et conseiller général de Salazie, Stéphane Fouassin se dit favorable : « Je préfère qu’ils soient encadrés sur un circuit fermé plutôt que de pousser sur une route. L’idée fait son chemin depuis plusieurs années ». S’il devait se réaliser, l’événement devrait sûrement être payant pour supporter les coûts générés. De l’utopie pour certains... Le débat est lancé
P.Madubost
Serge Bideau : « Ce n’est pas légaliser la pousse »
Sous-préfet de Saint-Benoît en charge de la Sécurité routière, Serge Bideau, ne se dit pas opposé sur le fond même « si ça ne réglerait pas le problème de la pousse, il y a l’envie chez certains de lancer un défi à l’autre, le circuit ne l’intéresse pas ». Reste la forme. « Il y a eu des choses similaires en métropole et ça s’est fini avec des morts parce que personne ne gérait rien. Il faut un responsable et pas seulement un arrêté communal. L’idée n’est pas de dire on ferme la route et vous faîtes ce que vous voulez. Un rallye est bien une utilisation privative de la route. Mais un rallye, c’est géré et c’est une organisation lourde. On doit savoir qui vient et comment il vient », commente t-il. Pour Serge Bideau, permettre ce genre de course ne revient pas à « légaliser la pousse, mais à permettre à des gens d’avoir le plaisir de conduire vite, mais en sécurité ». L’État serait là pour « contrôler », mais en aucun cas pour « organiser ». L’idée d’associer des actions de prévention à la manifestation lui plaît : « En mouillant le bitume, on démontrerait aux jeunes qu’on ne contrôle rien ».
Sécurité routière : « Et s’il y a un mort ? »
Pour le président du Comité Départemental de Prévention Routière, Daniel Thirel, « offrir » une route aux pousseurs serait un « mauvais signal, la pousse sur route, c’est illégal, une sorte d’encouragement à enfreindre la code de la route ». Il donne nettement sa préférence à l’organisation de manifestations sur un circuit « déjà doté d’une organisation et de moyens de secours et une piste ce n’est pas la route ». Et de poser la question : « Qui prendra la responsabilité d’organiser ce genre de courses et s’il y a un mort, un blessé grave ? ».
Au côté de Dimitri, on retrouve son père, Louis-Michel, bien connu chez les sapeurs-pompiers de La Réunion. S’il soutient la demande de l’association, il donne plutôt sa préférence à des courses organisées sur un circuit. Problème : « La Jamaïque, c’est pour les motos et les karts et la piste de Sainte-Anne est trop courte. Il faudrait au moins 800m et ça n’existe pas. La route est une alternative ». Interrogé, Félix Guichard, responsable du circuit éponyme, ne craint pas la concurrence que provoquerait pourtant l’ouverture d’un tronçon routier, les « RUN » n’étant pas jugés comme l’activité la plus rentable. « Ouvrir une route pour les jeunes, pourquoi pas, mais il faudrait sérieusement l’encadrer. Développer le circuit est une alternative, nous maîtrisons déjà le foncier pour agrandir la piste jusqu’à un kilomètre, les moyens humains, le circuit est fermé, nous avons l’expérience... Tout est possible si on nous soutient ».